Le vin était un bon moyen d'empoisonner ses ennemis
Dans la traque aux sorciers, certains maléfices dénoncés sont liés au vin. En 1429, par exemple, Jeannette Boson, de Lens, est accusée de sorcellerie par les habitants du village. Parce qu’un certain Pierre a refusé de lui vendre son pré, elle lui aurait fait boire un vin qui l’a rendu très malade. A Vex, une jeteuse de sort offre du vin empoisonné au venin de crapaud à une accouchée, qui ne s’en relèvera pas.
Crime conjugal
Le poison intervient aussi dans les crimes conjugaux. Léonard Borter a essayé de tuer sa femme Guillemette à Sion en 1501. Il s’est rendu chez un apothicaire pour acheter de la mort-aux-rats, c’est-à-dire de l’arsenic mélangé à de la noix réduite en poudre et à de la poix. Au cours du repas de midi, le mari demande à sa femme d’aller lui chercher de l’eau pour profiter de son absence et dissimuler du poison dans les épinards. La victime prend plusieurs bouchées, mais elle sent aussitôt l’amertume du plat et éprouve une douleur au cœur, à l’estomac et à la poitrine. Soupçonnant son mari, elle cherche à régurgiter en absorbant de l’eau-de-vie puis en utilisant une plume, trempée dans de l’huile. Dans la soirée, toujours mal en point et assoiffée, elle se saisit d’un verre à anse, rempli d’un liquide qu’elle croit être du vin, et elle en absorbe tout le contenu. Hélas, la boisson est également empoisonnée. La jeune femme ressent aussitôt une douleur dans la poitrine encore plus vive que la précédente. Toujours souffrante, elle s’alite, mais a souvent besoin de cracher. Ce n’est que le lendemain qu’elle reçoit les premiers remèdes d’un ami qui subodore l’empoisonnement. La jeune femme s’en tire, mais le bruit court dans Sion que Léonard lui a donné une mauvaise boisson, si bien qu’il doit quitter le Valais pour échapper à la justice.
Préméditation et traîtrise
L’acte de Léonard Borter est un crime de lèse-majesté dont le châtiment appartient au prince-évêque. C’est pourquoi Borter est condamné par contumace et ses biens sont confisqués par l’évêque de Sion. Néanmoins, en 1503, Léonard obtient sa grâce et peut revenir en Valais. Ses parents et amis ont invoqué sa « simplicité » ainsi que sa jeunesse et le fait que la tentative a échoué.
Source
AMMANN-DOUBLIEZ Chantal, « Lorsque la sorcellerie s’empare du vin » in Histoire de la Vigne et du Vin en Valais : des origines à nos jours, Sierre-Salgesch, Musée valaisan de la Vigne et du Vin, Gollion, Infolio, 2009.